Encore un autre truc qui nous tenait à cœur en Amérique du Sud : la jungle. On voulait absolument aller faire une expédition dans la forêt amazonienne, mais on ne savait pas dans quel pays. On avait d’abord pensé y aller en Equateur, mais après avoir discuté avec différentes personnes à Cuzco on a finalement opté pour y aller au Pérou, et plus précisément au Manu National Park.
Ce parc de 17.000 km2 est considéré comme abritant une des plus grande biodiversité au monde. Il est partagé en 3 zones :
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la zone culturelle où sont installés la plupart des villages du parc, et où les habitants ont l’autorisation d’exploiter les arbres pour leur usage personnel (construction de maison, bateaux…) ;
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la réserve où les rangers veillent à la protection de la faune et la flore, et surveillent le tourisme ;
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la zone « nucléaire » ou « green zone » où seuls les locaux sont autorisés à y pénétrer, et où vivent les dernières tribus d’indiens d’amazonie.
Pour ce type d’excursion on était obligés de passer par une agence ; et oui on se lance pas dans la jungle sans la connaître parfaitement. C’est pourquoi on a fait plusieurs agences pour trouver celle qui pouvait nous proposer un guide natif de cette partie du Pérou et qui la connaissait parfaitement.
Le problème c’est qu’on ne voulait pas faire un tour classique où on se retrouverait avec plein d’autres touristes sur des sentiers surexploités ; on voulait de l’aventure et de la découverte au fin fond de la forêt amazonienne. Ca n’a pas été facile à trouver parce que toute les agences nous proposaient uniquement « leurs » tours et nous disaient que c’était pas possible et trop dangereux de partir avec une toile de tente dans la jungle. On a quand même fini par tomber sur l’agence qu’il nous fallait : Manu Rainforest Peru (www.manurainforestperu.com). Cette agence familiale nous a tout de suite plu parce qu’ils pouvaient répondre à nos attentes : pas de problème pour partir explorer le jungle avec tente et machette ; ils le font rarement (2 à 3 fois par an) mais savent faire. Les deux frères, Angel et Fidel, qui gèrent l’agence à Cusco, sont nés dans la jungle et y ont vécu toute leur vie ; ils la connaissent donc parfaitement. Et pour ce genre de trip, ce sont eux qui sont guides.
On est donc partis avec Fidel de Cusco avec un minibus de transport en commun où on était ultra serrés. Après 10h comme des sardines on est arrivés à minuit à Salvation, petit village dans la jungle. On y a passé la nuit pour reprendre un bus 5h plus tard pour aller encore plus loin, où on a pris un bateau pour traverser la Madre Del Rios, grande rivière traversant cette partie de la forêt amazonienne. Arrivés à la lodge, on a vite compris que c’était une agence familiale : deux autres frères conduisent les bateaux, la mère et la sœur s’occupent des bungalows et la belle sœur fait la cuisine. Et on a eu la confirmation qu’ils étaient originaires de la jungle puisqu’on était chez eux.
Après un petit déjeuner à base de riz on a repris la pirogue pour aller à leur « Tree house », à une heure et demi de navigation. C’est en fait une cabane en hauteur qu’ils ont aménagée sur un de leur terrain dans la forêt où ils ont fait une piste à la machette pour se promener en silence et espérer observer des animaux. On était déjà bien profond dans la jungle. Seuls les clients de leur agence viennent ici alors que les autres agences vont toutes au même endroit bien plus au sud.
On a fait une première balade de jour pour s’imprégner de l’atmosphère et du lieu. On a vu des singes, beaucoup d’oiseaux, des papillons, des fourmis tueuses…Le soir, on a refait un tour de nuit pour espérer voir un peu plus de vie animale : on a vu une grosse grenouille (quasiment 1kg), une grosse tarentule, un serpent venimeux…Le lendemain matin, à l’aube, on s’est postés sur une rive de la rivière pour observer la falaise en face : les sels minéraux attirent tous les matins des perroquets. Ce sont des centaines de ara macao et autres aras qui sont venus picorer la paroie, c’était magnifique. Cette étape dans la Tree House était un bon début mais on voulait du plus sauvage et moins balisé.
Après les perroquets on est retournés à la lodge pour prendre le matériel pour partir en expédition. On a chargé nos sacs des tentes et matelas et au passage on a embarqué le petit frère avec nous : Fidel nous a expliqué que pour plus de sécurité ils préféraient qu’ils soient 2 guides. On était pas mal entourés : 2 guides natifs de la jungle pour nous 2.
On a commencé par traverser la forêt bordant le village sur une piste toute tracée mais indispensable pour aller vers la zone plus reculée. Après une heure et demie à marcher on est arrivés au « lac aux caïmans » (allez savoir pourquoi il porte ce nom). Un petit lac marécageux à l’eau noire qu’il fallait traverser ; le seul moyen était un amas de tronc d’arbres flottants et super glissants. Pas rassurant, surtout avec les gros sacs qui nous déséquilibraient, parce que Fidel nous a dit que si on y tombait on était dans la merde. On a quand même réussit à traverser, non sans mal et sans stress, mais on l’a fait et on était bien soulagés. Quelques centaines de mètres plus loin on est arrivés à une rivière, l’Inchipata river. C’était la limite avec la « green zone », où normalement les touristes n’ont pas le droit de pénétrer. Mais ils nous ont expliqué que comme ils étaient descendants d’indiens d’Amazonie (leur grand père était un authentique indien d’Amazonie) et qu’ils y possédaient des terres (420Ha de forêts amazonienne) ils avaient un accord spécial avec le gouvernement.
Il a fallu traverser cette rivière, heureusement pas très profonde à cet endroit là, mais on a réussi à ne pas remplir nos bottes. Ca n’a pas duré bien longtemps parce qu’en fait l’idée était de remonter cette rivière pendant 2 jours, en marchant en plein milieu. C’est bizarre comme idée, pourquoi ne passer par les bords. En fait ici personne n’y va, même les locaux, et il n’y a donc pas de piste tracée dans la jungle et faire une piste est très long, on progresse d’une centaine de mètres à l’heure et ça fait beaucoup de bruit, donc pour espérer voir des animaux c’est pas génial.
C’est pour ça qu’on a remonté la rivière et que quelques minutes plus tard, on avait de l’eau plein les bottes. On progressait avec de l’eau la plupart du temps au genoux, à mi cuisses ; on a même eu quelques passage avec de l’eau jusqu’à la poitrine où il fallait porter les sacs à bout de bras pour éviter qu’ils se mouillent. Le seul hic, c’est que la première journée on a eu droit à une averse tropicale qui a duré toute la journée, on était donc trempés quoi qu’il arrive, de la tête aux pieds.
Mais ils sont fous de marcher dans l’eau comme ça, il peu y avoir des caïmans ! oui effectivement, il peut y en avoir, et il y en avait, on en a vus quelques-uns. C’était pas très rassurant au début, surtout que l’eau était marron donc on ne voyait pas sur quoi on marchait mais on s’y est fait rapidement et on s’est dit que s’ils nous y emmènent c’est qu’il n’y a pas tant de risque que ça. En fait ils nous disaient que les caïmans qui se trouvent dans cette rivière ne sont pas très gros, pas plus de 2m (quand même !) et que c’était pas une espèce trop agressive, contrairement aux caïmans blancs. Et de toute façon ils chassent la nuit et se reposent la journée.
Toute la journée on voyait sur les berges de nombreuses traces d’animaux (tapirs jaguars, cochons sauvages, moutons sauvages, loutres…) dont certaines étaient très fraiches mais on n’a vu aucun de ces animaux. Par contre, on a vu plein de singes différents, des centaines de papillons dont certains étaient gros comme nos deux mains, des centaines d’oiseaux, perroquets, colibris…
En fin d’aprèm, quand le soleil commençait décliner, on a trouver un endroit sur la berge pour installer le campement : on a installé les tentes tant bien que mal sur des galets, et on a essayé de trouver du bois pour faire le feux pour la cuisine. Le seul problème c’est qu’il pleuvait depuis le début de la journée et que le bois était trempé. C’est pas grave, avec une machette on peut tout faire, même tailler le bois sec pour en enlever l’écorce humide et récupérer l’intérieur sec. Après ça, il fallait qu’on trouve quelque chose à manger : on est allés à la pêche un peu plus bas dans la rivière. On est revenus de nuit en marchant dans l’eau jusqu’à mi-cuisses…et là on s’est rappelés que les caïmans chassent la nuit ; on n’était pas trop rassurés. D’ailleurs, arrivés au campement on a vu deux yeux à la surface de l’eau à moins de 10m de la tente ; c’était un caïman, apparemment un gros vu l’écartement des yeux, mais ça ne les inquiétait pas le moins du monde. On a fait cuire le poisson et des patates sous une pluie battante ; on a fini par manger notre poisson avec les doigts à l’abri dans notre tente.
Après une nuit humide on s’est réveillés le matin pour une nouvelle journée d’aventure. Au réveil, Biket s’est aperçu qu’une piqure de moustique de la veille avait fait de l’effet : sa main gauche était toute gonflée et engourdie.
Première épreuve de la journée : remettre nos vêtements mouillés et renfiler les bottes trempées. On était contents de se réchauffer un peu auprès du feu, mais ça n’a pas duré longtemps parce que dès les premiers mètres de marche, on a remis les pieds dans l’eau jusqu’aux cuisses, en plus juste à l’endroit où était le caïman qui nous surveillait dans la nuit.
On eu droit à de nombreux passages immergés à la moitié du corps. Par endroits où c’était vraiment très profond (il aurait fallu nager et avec les sac c’est pas pratique), on a tracé une piste dans la jungle : c’est vrai que c’est beaucoup plus long. C’était génial cette progression tantôt dans l’eau, tantôt dans la forêt ; on se serait vraiment crus comme deux Indiana Jones.
Le soir, à la tombée de la nuit, on est allés essayer d’observer des tapirs venant manger les sels minéraux d’une des berges, à quelques centaines de mètres des tentes. On s’est organisé un petit poste d’observation à même la terre, dans les fourrés avec les insectes et les reptiles. On est restés assis là pendant plus de 4h. On entendait des bruits tout proche de nous, mais dès qu’on allumait les lampes, on ne voyait rien : la forêt est tellement épaisse qu’on n’y voit qu’à moins de 3m. Par contre on a vu des insectes assez surprenant : les « light flies », des insectes volant qui éclairent comme des lucioles. Ca faisait un très beau ballet dans les airs, on aurait dit des étoiles filantes en pleine forêt. On a fait le retour dans l’eau, avec les caïmans qui nous surveillaient de leurs yeux immobiles à quelques mètres de nous. Le guide a même plongé à l’eau pour essayer de l’attraper.
Le lendemain, on a attaqué le chemin retour, toujours dans l’eau, pour retourner au village. En route, on s’est arrêtés pour manger et on en a profité pour pêcher. En restant sans faire de bruit au bord de l’eau, on a réussi à apercevoir une loutre, un cochon sauvage et un fourmilier géant (orso banderas). De retour à la lodge le soir on a pu profiter d’une douche, froide, et mettre des vêtements secs, quel bonheur. On était claqués : marcher pendant 3 jours dans l’eau ou avec 3l d’eau dans chaque botte ça tire sur les jambes.
On a tellement adoré la jungle qu’on a rajouté une journée supplémentaire. Lors de cette journée, on est retournés à la « Tree House » pour essayer de voir d’autres animaux. Après manger, on s’est posés au poste d’observation des perroquets pour espérer voir des bêtes venant s’abreuver sur la rive opposée. On est restés très silencieux et au bout d’une demi heure, on a entendu des bruits dans les arbres juste à côté de nous. Et là une petite bête est apparue et a commencé à avancer vers nous en faisant ses affaires. A 2m de nous, elle s’est arrêtée et a levé la tête, c’est alors qu’elle nous a vu et a fait demi tour. Il s’agissait d’un paca.
Le soir, on est allés à la chasse aux caïmans, pour essayer d’en attraper un. Malheureusement on n’en a pas vus.
Comme vous l’aurez compris, on a adoré la jungle, c’est peut être une des expériences les plus dépaysantes du tour du monde. On a même hésité et failli rajouter 5 jours de plus pour aller explorer une autre rivière, mais le temps commençait à nous manquer.
La jungle c’est génial, on peu voir beaucoup d’animaux différents mais le problème est de les prendre en photos : ils sont tellement fugaces que c’est quasiment impossible de les immortaliser, surtout que comme on était tout le temps dans l’eau, l’appareil photo était toujours rangé dans un sac étanche.
Pendant ces 7 jours, on a appris plein de choses grâce à Fidel et son petit frère ; de vrais pros de la jungle qui n’ont pas du tout les mêmes yeux et oreilles que nous pour repérer les animaux.
Pendant ce trek, Biket s’est découvert une passion pour le maniement de la machette et la création de pistes.
Salut
Merci pour ce beau récit.
Encore une nouvelle aventure vécue pour vous.
Ien-Ien tu es vraiment très sérieux avec ta machette.
Si problème d’envahissement d’herbes ou autres on te fait appel.
Tarzan et Jane, on aurait pu vous voir suspendus à une liane mais non. Je blague.
On ne se lasse pas de vous lire et relire. Belle mission pour vous.
Bisous
Claude et Michel
Trop forts les bikets!
J’en connais qui aurait adoré faire ca avec vous!!!
Arnaud je pense qu’il aurait fait demi tour au premier insecte géant mais grâce à vous on s’y croirait!!
Je n’en dirai pas plus que d’habitude : Eh béh !
Chapeau les loulous ! 🙂